lundi 18 février 2013

Pont de bois

Lecture en cours : La coureuse - Maïa Mazaurette

Donc oui, sans plus de détour, je lis La coureuse. Plusieurs raisons à ça. Primo, contrairement aux romans de Fantaisy que je meurs d'envie de lire, ça ne demande pas un gros investissement. Je peux faire une pause entre deux paragraphes ou ne pas mettre le nez dedans pendant trois jours, je ne perd rien. Par ce que le fil conducteur de l'histoire est parfaitement banal. Mais.. Secundo, le style est bon. Cette nana a l'art de tourner ses phrases comme j'aime, entre trop soutenues et très vulgaires. C'est un portrait de désillusion, une analyse décortiquant le cœur humain, bref de l'étalage d'émotion, bien comme j'aime : avec trop de prises de tête pour que ça ne sente pas la vérité à des kilomètres.
Tertio, les idées. Je ne suis pas d'accord avec tout d'ailleurs, il y a certains passages dans lesquels je ne me reconnais pas. Par ce que la chasseuse, la femme libérée, lucide et forte, ça c'est clair que je ne peux pas m'y identifier.
Mais par contre j'aime beaucoup, certaines remarques sur le fossé entre les hommes et les femmes.  Il y a des paragraphes entiers qui posent des mots sur cette espèce d'injustice qui continue à m'épuiser au quotidien. Et même si je ne suis pas la meuf soignée par excellence, je me sens concernée par ce que les mecs voudraient que je me sente concernée. Par l'épilation, le maquillage, la séduction. Je vois bien que c'est censé être normal. Que quand je dis que non, non je ne m'épile pas par ce que ça m'emmerde et que je ne vois pas pourquoi je le ferais, neuf fois sur dix j'ai le droit a un regard - voir à une remarque - en mode "Ah bah oui, mais si tu veux plaire, il faut faire des compromis hein...". Je veux plaire oui. Justement.  Je veux que des gens craquent pour moi. Pas pour mon déguisement.

[...] Quand les mecs disent qu'on a la vie facile, je voudrais les saigner [...] Je porte une ceinture qui serre ma taille et bombe mes fesses. A deux crans du confort. Je porte un push-up qui me scie les épaules, des chaussures glissantes, un foulard. Je porte les premiers pas que les mecs ne feront jamais.

Ça par exemple, je trouve ça vrai et je trouve ça hallucinant. Il y a une espèce de vérité générale à la con qui veut que les femmes peuvent choper n'importe qui. C'est faux. On est comme tout le monde on peut choper les personnes qui veulent nous baiser et les trois quart du temps pas les personnes qu'on veut baiser. Et encore, même pour ça, il faut répondre à des standard physiques et des standards comportementaux.

Dans ma réalité, ça ne se passe pas comme ça. Les mecs sympas qui passent dans ma rue, ils peuvent crever. Cet endoctrinement ne m’énerve même plus, j'y oppose la même résistance silencieuse que toutes les femmes :  non je ne coucherai pas, non merci je ne veux pas ton numéro de téléphone. Remarquez comme on est polies, on dit "non, merci",  on ne dit pas "non, ta gueule".

Bref je ne m'aventurerai pas plus loin, mais pour faire court ce livre me plait, j'aime ce qu'il déterre et ce qu'il met en lumière. Maïa Mazaurette vire le maquillage des relations, de certaines relations en tout cas et ce ton désespéré, désillusionné a quelque chose de rafraichissant. Vraiment.

 

A part ça j'ai passé pas mal de temps à regarder des trucs. Par ce que j'avais la flemme de faire autre chose. Il y a eu le film Charlie Bartlett (Jon Poll) qui ne défonce pas vraiment, mais qui n'est pas trop mauvais non plus. Ça se regarde tranquillement. Pour les points positifs : les petites touches décalées, la présence de Robert Downey Junior et du Cat Stevens dans la BO. 

Sinon, grâce a F. je me suis mise à regarder la série New Girl. C'est sans doute pas la série du siècle mais c'est étonnement addictif. Je me suis envoyé les deux saisons, en une semaine, une semaine et demie.
Concrètement, c'est un scénario pas bien méchant de nana à coté de la plaque qui emménage avec trois mecs, à la ramasse aussi, chacun à leur manière.  Des gens de notre époque quoi... Petites aventures après petites aventures, c'est plutôt marrant, y'a des épisodes mieux que d'autres. Cependant j’apprécie beaucoup l'absence de rires pré-enregistrés. Et aussi.. Ah comment dire ça... le côté soft des romances. Même si c'est courut d'avance, la série prend son temps, ne cède pas à la première facilité venue. Ca crée une attente plutot sympa. Et même desfois des surprises. 
Et puis Zooey Deschanel est vraiment craquante. Accessoirement.


Dans les événements notables du mois, j'ai été au théâtre pour voir Cyrano de Bergerac.
La mise en scène (signée Dominique Pitoiset) est très moderne. Il y a presque un coté malsain à ce décors d’hôpital, comme si tous les acteurs n'étaient que les fous d'un asile. Mais très rapidement, en fait, le décors devient presque invisible.
D'abord, grâce aux textex de Edmond Rostant -bien, sur-, puisqu'il n'y a pas une virgule à changer et que cette pièce est juste... Extraordinaire (lors de la première, les gens ont applaudit pendant vingt minutes sans interruption. On comprend aisément pourquoi). Mais aussi ...
Bon, reprenons. C'est la deuxième fois que je vois Philippe Torreton sur scène. 
La première fois c'était pour Richard III et j'étais restée completement bluffée, sans souffle. Je confirme aujourd'hui mon avis sur cet acteur : Il est époustouflant. Il porte la pièce sur ses épaules avec ce qui ressemble à une aisance surhumaine. Il donne relief à ce personnage, le faisant ressortir rien que par son interpretation. Imaginez donc... La prestance du personnage de Cyrano combinée à la prestance de Torreton... 

C'était explosif. J'ai adoré.

Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances.
Je ne m’attife pas ainsi qu’un freluquet,
Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet;
Je ne sortirais pas avec, par négligence,
Un affront pas très bien lavé, la conscience
Jaune encore de sommeil dans le coin de son œil,
Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.
Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,
Empanaché d’indépendance et de franchise;
Ce n’est pas une taille avantageuse, c’est
Mon âme que je cambre ainsi qu’en un corset,
Et tout couvert d’exploits qu’en rubans je m’attache,
Retroussant mon esprit ainsi qu’une moustache,
Je fais, en traversant les groupes et les ronds,
Sonner les vérités comme des éperons

Bien à vous, Scrat

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